Le préfet-lican Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du cœur. Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô préfet, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désemparés sont les préfets, pas beaux, Et j'en sais de mortels qui sont de purs idiots. Lorsque le vain préfet, lassé d'un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à son palais, Les grévistes affolés courent sur le barrage En le voyant au loin s'abattre, triste et creux. Déjà croyant saisir leurs euros, cette proie, Ils courent à leur préfet avec des cris de joie En secouant leur paie, don du Patron hideux. Lui, gagnant à pas lent une salle élevée, De son air repentant recevant la fessée Du meneur laconique, il regarde les yeux.
L'argent ne coule plus de ses mimines, à perte, En vain il a de Woerth fouillé le coffre fort. Celui-ci était vide, et sa banque déserte. En toute incertitude il apporte sa peur. Sombre et silencieux, résigné et pas fier, Affligeant pauvre vieux, sa tripaille le perd. D'un désespoir ultime il se rend au water Et, regardant couler l'eau saumâtre et pas belle, Ses intestins tout mous s'affaissent et Jacques Chancel * | Dans la volupeuté, abandonner, boudeur, Sera son seul recours, son coup de pied aux cœurs ! Mais parfois, au milieu du cercle de grévistes, Fatigué de courir pour sauver la police, Il craint que ces gars là ne le laissent partir. Alors il se soulève, ouvre sa bourse au vent Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage, Il pousse dans l'appareil sa carte bleue, de rage. Mais les banquiers, lassés, désertent les parages. Plus rien pour les grévistes, malgré leur beau lyannaj ! Voyez tous ces touristes, avec tous leurs bagages, Sentant passer la mort, rentrant à la Chaise Dieu.
Préfet, c'est ainsi que font les grands Préfets. Ils laissent s'égayer ceux qui râlent tout le temps; Mais les destins humains qu'ils servent à ces bêtes Ressemblent la plupart à de vieux pélicans. Quand ils parlent ainsi de ministres trompeurs, De tristesse et d'oubli, tout pour les 35 heures, Ce n'est pas un concert à dilater le cœur. Les revendications sont comme des épées, Elles tracent dans l'air des cercles impuissants, Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang. |